A. Missoffe : « Favoriser la transformation de bureaux en logements pour rendre la ville plus agile »

Le directeur général de Paris-Ile de France Capitale Economique se réjouit que l’essentiel des propositions du groupe de travail animé par Xavier Lépine, président de La Française, ait été pris en considération par la loi Elan, adoptée définitivement le 16 octobre 2018.

Le logement, rappelez-vous, constitue un élément majeur d’attractivité ?

Oui. Rappelons que le Grand Paris subit aujourd’hui un solde migratoire négatif. Les gens s’installent dans la métropole au terme de leurs études puis, dès qu’ils ont atteint le maximum de leur productivité, et qu’ils ont des enfants, les prix du logement les poussent de plus en plus loin de Paris. Ces conditions de logement et de transport pèsent alors lourdement sur leur qualité de vie. Dès lors, ils ne rêvent que d’une chose : partir ou retourner dans les grandes métropoles de régions.

Alexandre Missoffe, directeur général de Paris-Ile de France Capitale Economique. © Jgp

Mais la difficulté du logement est aussi un enjeu d’attractivité internationale. Dans les décisions de localisation ou de déménagement de leurs activités, les chefs d’entreprise doivent tenir compte des attentes de leurs collaborateurs sur le lieu d’implantation envisagé. Ceux-ci ont des attentes spécifiques sur la sécurité, les transports publics, les lycées internationaux, la qualité de l’air, l’offre culturelle, ainsi que, évidemment et en premier lieu, les conditions et les prix du logement… Il est donc important de traiter la question de l’accessibilité du logement dans une perspective d’attractivité.

C’est la raison pour laquelle Paris-Ile de France Capitale Economique a souhaité encourager la transformation de bureaux en logements ?

4 millions de m2 d’immobilier tertiaire vacant sont dénombrés dans la métropole. 800 000 le sont depuis plus de quatre ans et donc en voie d’obsolescence, souvent dégradés. Or si l’on additionne les projets des territoires et des établissements publics d’aménagement, on constate qu’un grand nombre de programmes de construction de bureaux neufs sont planifiés. Pour l’essentiel, ils provoqueront une relocalisation infra-francilienne.

Le Grand Paris express, en augmentant l’attractivité des nouveaux territoires desservis, va mécaniquement accélérer le phénomène. Dès lors, il est essentiel de pouvoir rendre la ville agile en permettant aux bâtiments de changer de destination selon l’évolution des besoins… et ce dont on a le plus besoin dans le Grand Paris, c’est de logements.

Les villes évoluent selon deux tempos difficilement conciliables ?

Le premier est le tempo « organique », celui des habitants, très rapide, de plus en plus mobile avec les nouvelles générations, qui ont des habitudes de vie et de consommation changeantes, vivant et consommant selon les tendances majeures de la modernité que sont l’immédiateté, l’hyperpersonnalisation, le partage et le sens. Les modes et les tendances se succèdent de plus en plus vite, qu’il s’agisse d’habiter ou de travailler. Et ces cycles se font de plus en plus courts, de plus en plus rapides. Regardez le phénomène des trottinettes électriques, arrivées au mois d’août à Paris, et qui conduit, deux mois plus tard, à se demander comment la ville peut s’adapter à cette tendance. Si on ne rend pas la ville plus agile, elle fera toujours la course en retard, s’adaptant aujourd’hui aux modes d’hier et incapable d’accompagner celles de demain. Car il existe un deuxième tempo de la ville, minéral, métallique, immobile, infrastructurel, beaucoup plus lent, et qui ralentit encore.

Pour quelles raisons ralentit-il ?

En raison d’une calcification des strates, qui fait que la ville devient de plus en plus difficile à changer, et de la lourdeur ou de la frilosité face au changement. Ce deuxième rythme de la ville se révèle incapable d’épouser le rythme organique. Et l’écart se creuse, donc. La transformation de bureaux en logements est au cœur de cette question. Permettre la transformation des bureaux vacants en logements, c’est permettre à la ville construite de se réinventer en continu pour épouser le temps de la ville vécue. Il s’agit donc de redonner – sur ce sujet en particulier – l’agilité à la ville, celle que redessinera le Grand Paris express.

La loi Elan, dans ses dispositions pour favoriser les transformations de bureaux en logements est-elle une bonne réponse ?

Oui, très clairement. Mais il faut être précis sur l’intention. Il ne s’agit pas de favoriser les transformations de bureaux en logements dans l’absolu, il s’agit de la faciliter là où elle est souhaitable et là où l’équilibre économique de l’opération peut être rendu possible. A cet égard les propositions retenues dans la loi Elan, dans son titre III intitulé « Transformation de bureaux en logements », vont changer réellement l’équation. Le quota de parkings, les règles d’accessibilité, les obligations relatives au logement social ont été assouplis, de même que la possibilité de donner congé au terme des baux triennaux, qui compliquaient les choses.

Nous avons réuni des professionnels du secteur pour établir ces propositions, dans le cadre de notre groupe de travail, présidé par Xavier Lépine, président de La Française. Car Paris-Ile de France Capitale Economique n’a qu’une seule expertise : celle de ses membres, ceux qui font le Grand Paris, les « Grand Paris makers », qui sont dans l’opérationnel.

Quels sont les objectifs chiffrés ?

Les entreprises qui ont participé à ce travail et tous ceux qui ont signé la charte avec Julien Denormandie sont convaincus que ces mesures sont de nature à permettre de créer 500 000 m2 de logements supplémentaires d’ici à 2022.

Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement. © Jgp

En termes d’attractivité, c’est aussi l’occasion de montrer que le Grand Paris est, certes, un démonstrateur des innovations technologiques, notamment autour du Grand Paris express, mais aussi une vitrine des innovations sociétales en montrant que le Grand Paris est un formidable laboratoire d’innovation d’usages et réglementaires, pour préparer les métropoles de demain notamment dans une perspective de soutenabilité. Transformer des bureaux en logements a aussi un bilan écologique particulièrement intéressant plutôt que de laisser des immeubles de bureaux vides et de construire des logements à côté.

Vous organisez un concours sur ce thème ?

En lien avec la maison de l’architecture, dont je veux remercier la présidente Dominique Boré, nous avons décidé de lancer un prix international sur la transformation de bureaux en logements. Ce prix, qui sera lancé prochainement, visera à récompenser les meilleures opérations de transformation, tant d’un point de vue architectural que technique, environnemental et dans leur capacité à trouver des solutions innovantes en France mais aussi à l’étranger, étant ouvert aux candidatures du monde entier.

Un des objectifs est de sensibiliser tout le secteur, qui parfois ne perçoit pas tout de suite l’effet des évolutions législatives qui rendent possible aujourd’hui ce qui ne l’était pas hier. Il faut donner aux habitants du Grand Paris la preuve par l’exemple, la seule qui vaille, que l’Etat, les collectivités et les acteurs économiques sont mobilisés pour trouver une solution à la crise du logement.

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