Dounia Mebtoul – Un vent de fraîcheur

A 28 ans, cette hyperactive est déjà à la tête d’une association et d’un restaurant. Ses « Frigos solidaires » permettent à tous d’être acteurs d’une entraide locale et fleurissent un peu partout en France.

Le quart d’heure de politesse est dépassé mais le sourire de Dounia Mebtoul, quand elle arrive en trottinant, fait oublier ce retard. C’est à la Cantine du 18, restaurant du nord parisien qu’elle a ouvert huit ans plus tôt, que cette hyperactive de 28 ans nous reçoit, avant de commencer son service du soir. Après un bachelor à Novancia et une année en tant qu’assistante manager dans un hôtel Hilton de Londres, elle rentre pour monter avec sa mère « ce tiers-lieu – restaurant et salle de réception pour des événements associatifs –, avec une identité qui nous ressemble : générosité et convivialité, accessible à toutes les bourses », précise-t-elle fièrement.

Dounia Mebtoul, créatrice des Frigos solidaires. © JGP

Mais son attrait pour la solidarité ne s’arrête pas là. « En me baladant dans un marché londonien, j’ai découvert le concept de community fridge, des frigos qui ont pignon sur rue devant certains commerces, permettant à chacun de déposer des aliments et invendus, ou de les récupérer pour les plus démunis. » En juin 2017, Dounia Mebtoul importe le modèle en France et place un premier frigo devant son restaurant. Pour elle, la lutte contre le gaspillage « c’est dans les gènes ». « Mes grands-parents étaient mineurs, ils ont élevé huit enfants et, sous leur toit, le gâchis n’existait pas, martèle-t-elle. Quand il y avait de la viande, ils utilisaient ensuite la carcasse pour en faire des sauces. » Deux mois plus tard, forte du succès de cette première expérience, la jeune femme lance son association Les Frigos solidaires.

2019 a été une année-clé pour celle-ci. 12 frigos ont vu le jour à Lille, 5 à Bordeaux et la mairie de Paris a décidé d’en subventionner 15 autres. Dounia Mebtoul et sa structure seront bientôt à la tête de 54 frigos, présents dans les rues d’une quarantaine de villes. Une réussite qu’elle doit en partie aux Youtubers Baptiste Lorber, qui s’est porté volontaire pour parrainer l’association, et Natoo, dont la vidéo à ce sujet a totalisé 2,5 millions de vues. « C’est un moyen idéal pour sensibiliser les plus jeunes, qui sont des cibles sensibles à ces causes. Ça a boosté mon initiative », explique-t-elle.

Persévérance

Et si son combat principal est l’accès à la nourriture pour les plus démunis, cette émotive cherche aussi à créer du lien social avec les bénéficiaires. « Une soixantaine de personnes passent chaque jour, on apprend à les connaître, on les suit, s’attendrit Dounia Mebtoul en regardant une femme déposer quelques fruits dans le frigo devant sa cantine. Franklin par exemple est arrivé de Toulouse et a passé deux ans et demi dans la rue à Paris. Pendant tout ce temps, il venait prendre à manger et on s’est lié d’amitié ! » Elle se met à pleurer.

La plupart du temps, son initiative est soutenue par les institutions publiques, mais celle dont le visage fatigué témoigne de l’engagement se révolte que certaines villes s’y opposent. « Paris, Marseille, Niort, L’ïle-Rousse… On n’a presque jamais de problème à installer un frigo, fait remarquer la jeune femme. Je suis effarée que certaines mairies, comme à Épinay-sur-Seine, refusent nos installations sans donner aucune explication ! »

Des déboires qui ne découragent pas cette originaire de Colombes, qui invite tous les jeunes, quel que soit leur milieu social, à entreprendre. « Il faut aller au bout de ses projets, coûte que coûte, c’est tellement enrichissant », s’exalte-t-elle Le prochain projet ? Arrêter la Cantine et partir voyager un an pour exporter ses frigos à l’étranger. Héloïse Pons

Auteur

Sur le même sujet

Top