Les livraisons nocturnes ont le vent en poupe. Et pour cause : elles permettent tout à la fois d’éviter les embouteillages, et d’éviter d’en créer. Avec, à la clé, une massification des tournées et une diminution des émissions polluantes. Seul frein : le bruit.

Entre le bruit des moteurs, mais aussi celui des groupes frigorifiques, des sirènes de recul, des manutentions dans le camion, sur la voie publique, et à l’intérieur des lieux livrés, les livraisons passent rarement inaperçues. La métropole parisienne étant d’ores et déjà saturée de bruits, pas question donc d’en rajouter. « D’autant, rappelle Olivier Chrétien de l’Agence d’écologie urbaine de la ville de Paris, que sous l’égide de l’Union européenne, les grandes agglomérations doivent désormais lutter contre les bruits et mettre en place des plans de prévention du bruit dans l’environnement (PPBE) assez encadrés. »

Or l’impact du bruit routier sur le logement est particulièrement important la nuit, 5,2 % des Parisiens (soit plus de 100 000 personnes) se trouvant de la sorte exposés à des bruits supérieurs à la norme (62 db). Les plaintes des riverains, lorsqu’elles sont portées devant la justice, peuvent du reste coûter très cher aux magasins et restaurants concernés : « Parfois, il a fallu construire des halls de déchargement insonorisés ou encore rembourser des fenêtres à double vitrage », témoigne Christophe Sanson, avocat au barreau des Hauts-de-Seine et spécialiste de ce type de conflits.

Camions certifiés

C’est dans l’optique de développer des livraisons nocturnes moins gênantes qu’a été créée, en 2012, l’association Certibruit, qui regroupe tout à la fois les acteurs du monde de la logistique (transporteurs, fabricants de matériels, distributeurs, etc.) et des bureaux techniques comme Cemafroid. Elle tenait le 13 mai 2016 son colloque, à la mairie de Paris, pour faire le point des évolutions en cours.

Livrer sans bruit suppose quatre ingrédients :

• des matériels de livraison adaptés,
• des locaux de réception moins sonores,
• des personnels de livraison sensibilisés,
• un dialogue avec les riverains.

Côté matériels, Certibruit a adopté la marque d’origine néerlandaise Piek, qui certifie des camions, mais aussi leur carrosserie, leurs portes, les hayons élévateurs, les groupes frigorifiques, etc. plus silencieux, autrement dit, permettant de rester en dessous de 60 db entre 23 h et 7 h du matin. Certifiée par Cemafroid, « l’offre s’est beaucoup développée, sauf pour les tonnages intermédiaires », constate Rémi Paing, chargé de mission chez Fraikin. On voit ainsi apparaître des groupes frigorifiques électriques alimentés, pendant la livraison, par une batterie, ce qui permet de couper le moteur.

Certains camions sont certifiés pour la limitation de leur nuisances sonores. © C. Bernard

Le développement de motorisations (GNV, électrique) ou de carburants alternatifs (biométhane) contribue aussi à réduire le bruit. Mais il faut penser aussi aux outils, comme les transpallettes qui peuvent vite devenir très bruyants. Le surcoût est important : de 6 à 15 % estime Rémi Paing. Bien plus pour les motorisations type GNV.

Former le personnel

Pour obtenir la certification « Certibruit », les magasins et restaurants livrés la nuit doivent cependant aller plus loin et s’engager dans des travaux parfois importants. « Nous avons rabaissé le sol du restaurant pour pouvoir enlever les plaques métalliques que nous devions mettre pour les livraisons, et qui gênaient énormément les habitants des étages supérieurs », raconte ainsi Jean-Yves Moonier, directeur du restaurant Mac Donald’s de l’Hôtel de Ville. Dans d’autres cas, il a fallu recouvrir le carrelage de sols plastiques isolant des bruits de choc.

Il faut ensuite former le personnel pour éviter tant les conversations bruyantes que les manipulations irréfléchies, et informer les riverains. Aujourd’hui, environ 40 sites en France sont certifiés Certibruit, dont la moitié à Paris. Carrefour, Casino, Mac Donalds’s sont particulièrement actifs en la matière. « Depuis notre certification, nous n’avons plus aucune plainte », témoigne Jean-Yves Moonier.