Le n°2 de Nexity Jean-Philippe Ruggieri, figure de l’immobilier français, est décédé des suites du Covid-19 dans la nuit de jeudi 23 à vendredi 24 avril 2020.
Jean-Philippe Ruggieri était, depuis mai 2019, directeur général de Nexity, un des leaders français de la promotion immobilière. Fils d’un promoteur toulousain, né dans le village de Cugnaux, à une quinzaine de kilomètres de Toulouse, non loin de la base militaire de Francazal, ce dirigeant charismatique avait débuté sa carrière chez Sogeprom, avant de rejoindre l’entreprise familiale, au milieu des années 1990. En 2001, Ruggieri immobilier était racheté par Nexity. « Je pensais rester seulement quelques années au sein de ce groupe avec l’idée, par la suite, de monter ma société, raconte ce père de deux (grands) enfants. Mais j’ai trouvé dans cette entreprise un côté entrepreneurial qui m’a plu », confiait-il aux Echos.
Jean-Philippe Ruggieri était l’invité du club « Acteurs du Grand Paris », à l’automne dernier. © Jgp
Jean-Philippe Ruggieri, avec Roland Castro et Patrick Braouezec, le 11 février 2019, lors de l’inauguration de la tour Emblématik, à Aubervilliers. © Jgp
« Le Grand Paris, ce que j’en ai compris, c’est qu’il est beaucoup plus important de s’y occuper de ses habitants, de ses travailleurs, que d’immobilier, aimait-il à dire. Ce qui compte, c’est l’urbanisme, et les usages. Le logement ne vient qu’à la fin. Et s’il y a quelque chose que l’on a réussi à Nexity, c’est de s’occuper moins du bâti que de ceux qui vont y habiter ou y travailler. »
Les réactions et les éloges sont nombreux ce vendredi matin, à l’instar de Thierry Lajoie : « Je suis triste. Partenaire professionnel talentueux, humaniste engagé, il était devenu un ami indispensable », indique le directeur général de Grand Paris aménagement. Nicolas Ledoux, président d’Arcadis, est « sous le choc et sans voix ; toutes mes condoléances à la famille de Jean-Philippe Ruggieri et aux collaborateurs de Nexity ».
Très grande tristesse suite au décès de Jean-Philippe Ruggieri, @Nexity. Bâtisseur et innovateur perpétuel. Engagé sur les défis sociaux et environnementaux. Homme de convictions et de valeurs. Il va bcp nous manquer. Toutes mes pensées à sa famille et à ses collaborateurs.
— Julien Denormandie (@J_Denormandie) April 24, 2020
Humaniste
« Je me souviens de mon grand-père qui me racontait comment, lorsqu’il est arrivé à Marseille en bateau avec ma mère, comme des milliers de rapatriés d’Algérie, les dockers s’appliquaient à tremper tous les containers dans l’eau salée afin que leur contenu ne puisse être utilisé, par peur que les rapatriés leur prennent leur job, racontait Jean-Philippe Ruggieri à l’automne dernier, devant le club Acteurs du Grand Paris. Ils ne sont donc pas très bien accueillis à Marseille, et le premier train qui quitte la ville va à Toulouse, où je suis né, poursuivait-il. Face à l’urgence humanitaire d’alors, on a construit des tours, « au chemin de grue », ajoutait-t-il. Ce qui était une bonne chose. Car face à la valeur de la condition humaine, quelle est la valeur d’un promoteur ou d’un architecte ? Il fallait abriter la vie. J’estime qu’aujourd’hui, on a perdu ce sens-là. Vous êtes tous passés récemment par la Porte de la Chapelle. Moi j’ai honte. J’ai honte lorsque l’on me parle de « Réinventer Paris » ou Toulouse, face à un enjeu humanitaire aussi colossal », poursuivait-il.
« Aujourd’hui, soulignait également ce grand professionnel, l’enjeu est démographique. Nous sommes 7 milliards d’êtres humains sur la terre, nous serons 10 milliards en 2050. Il faut accompagner le développement des métropoles. Les métropoles, c’est l’éducation, à laquelle beaucoup n’ont pas accès aujourd’hui. Nous devons faire une révolution dans l’urbanisme. C’est extrêmement urgent. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Ces métropoles doivent accueillir, accueillir le travail, accueillir toutes les populations, estimait-il. On doit réimbriquer en 3D la mixité sociale. Il ne faut plus raisonner avec un urbanisme maximal, qui est fait de hauteur et de gabarits maximaux. Face à la hausse de la natalité, face à l’immigration, dont je suis issu, et qui est souhaitable parce qu’elle mixe les identités, et les solutions face au vieillissement de la population, la décohabitation – je suis personnellement à mon troisième mariage -, il faut révolutionner l’urbanisme. Si j’avais un message à faire passer aux élus, c’est que c’est le moment de faire passer l’intérêt général avant tous les intérêts particuliers. »
Les mots nous manquent tant ton départ est un choc. Je pense fort à ta famille, à tes équipes, à Guillaume. Au revoir Jean-Philippe, au revoir mon ami. pic.twitter.com/pOVnZ1rNZF
— Bruno Cavagné (@cavagneb) April 24, 2020
