Une tribune de Roseline Sarkissian, conseillère régionale, Parti socialiste, Frédéric Benhaim, conseiller régional, Ecologiste, et Catherine Lime-Biffe, conseillère régionale, Parti socialiste.

Depuis le début de la crise de la Covid-19, la présidente de la région Ile-de-France organise une communication tous azimuts sur les masques. Afin de parer à l’urgence sanitaire, elle a fait livrer des millions de ces matériels de protection, achetés en Chine. Il était en effet crucial d’agir pour parer à une pénurie très grave pour les soignants et travailleurs en première ligne.

Roseline Sarkissian, conseillère régionale, Parti socialiste, Frédéric Benhaim, conseiller régional, Ecologiste, et Catherine Lime-Biffe, conseillère régionale, Parti socialiste.© DR

Mais cette politique, indispensable au début de la crise, ne peut être pérenne. On ne peut se maintenir dans une telle dépendance envers le marché mondial pour ce type de matériel. Pas plus qu’on ne peut se satisfaire de livraisons massives, provenant de l’autre bout du monde. Parce qu’il est stratégique, ce type de production de matériel de protection devrait être relocalisé. La présidente de Région n’en pense pas moins puisqu’elle a financé une usine de production de masques chirurgicaux, qui ouvre ces jours-ci au Blanc-Mesnil (93).

C’est cette nouvelle exigence qui a aussi certainement motivé Valérie Pécresse, en visite à la Ferté-Gaucher (77) le 5 avril dernier, à proposer l’utilisation du site désormais désert de l’ancienne papeterie d’Arjowiggins pour produire des masques. Ce site, elle l’avait pourtant jusqu’ici ignoré.

La politique de soutien aux entreprises en difficulté est au point mort depuis le début de la mandature.

Rappelons les faits. En 2018, cette papeterie stratégique pour l’État, qui était la seule à produire du papier sécurisé pour les billets de banque, est rachetée par le groupe Blue Motion technologies, lui-même détenu par le fonds Partner Capital Group, avec une aide financière importante des deniers de l’État et des collectivités. La Région a elle-même contribué à financer un pont pour les poids lourds de l’usine. L’entreprise a été liquidée dès 2019. Pour de nombreux salariés, les nouveaux propriétaires ont précipité sciemment la chute du site. Une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Nanterre.

Pendant des mois, les 236 salariés de cette entreprise se sont mobilisés : Ils élaborent des projets de reprise. Malgré nos interpellations, ils ne reçoivent qu’un soutien du bout des lèvres de la présidente de Région, sans solution concrète.  Il faut dire que l’exécutif régional goûte alors peu ce type d’action. La politique de soutien aux entreprises en difficulté est au point mort depuis le début de la mandature. En 2019, les crédits du dispositif back’up, prévu à cet effet, n’ont tout simplement pas été consommés. La stratégie industrielle reste la grande absente des politiques régionales de développement.

La région Ile-de-France a beaucoup souffert de la désindustrialisation. Les carences régionales en matière de production se sont révélées sur la place publique avec la crise de la Covid-19.

Toute prise de conscience politique est la bienvenue, même si elle est bien tardive pour Arjowiggins. Pour que le site se convertisse rapidement et produise du matériel de protection quand nous en avions le plus besoin, il aurait fallu que les pouvoirs publics aident au maintien de l’activité en amont.  Les machines sont restées à l’arrêt trop longtemps pour une réouverture rapide et sont promises à la vente aux enchères. Nous demandons donc à Valérie Pécresse de ne pas s’en tenir aux effets d’annonce et d’agir concrètement pour la relance de l’activité sur ce site situé dans un territoire frappé par le chômage.

L’Ile-de-France ne peut se contenter de financer tel ou tel projet au gré des opportunités.

Nous réitérons aussi notre exigence d’une véritable stratégie industrielle et de rapprochement des productions. Il est urgent de soutenir publiquement les projets de reprise coopératifs et de muscler l’appareil productif francilien, en particulier dans le domaine stratégique de la santé. Les autres Régions agissent en la matière. Certaines le font depuis longtemps tandis que d’autres mettent en place des dispositifs de réindustrialisation en ce moment même. L’Ile-de-France ne peut se contenter de financer tel ou tel projet au gré des opportunités. Nous demandons que le futur contrat de plan Etat/Région en fasse une de ses priorités et qu’un travail soit engagé dès à présent en ce sens.

L’histoire industrielle d’Arjowiggins démontre la pertinence de porter ce changement, pour nos territoires, nos emplois et pour l’environnement.