Tout le monde veut sa pépinière d’entreprises !

Pas une semaine ne se passe sans qu’un nouveau projet d’incubateur ou de pépinière-hôtel d’entreprises ne soit annoncé en Ile-de-France. Un engouement pour cet outil de développement économique qui créé désormais une véritable concurrence entre les structures.

Le Tremplin © Agence Nunc

Le Tremplin © Agence Nunc

Acteurs publics (Le Tremplin de la ville de Paris), privés (Le Village du Crédit Agricole) ou résultat d’un partenariat entre les deux (Amaury Lab du Groupe Amaury qui se situera dans les locaux de Paris région lab), tout le monde veut sa pépinière d’entreprises. Le parc d’activité de Vaux-le-Pénil (Seine-et-Marne) aura sa pépinière d’entreprises fin 2015, le campus urbain de Saclay (Essonne) également en 2017, etc. Paris a prévu l’an prochain d’implanter deux nouveaux incubateurs et un immeuble mixte (incubateur et hôtel d’entreprises dans les entrepôts Macdonald, 19e arr.) totalisant près de 20 000 m2. La capitale aura alors largement dépassé les 300 000 m2 de surfaces consacrées à l’accueil des entreprises, précise une note (« L’offre de locaux d’activités de la ville de Paris, levier pour la nouvelle économie ») de novembre 2014 de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) sur l’offre de locaux d’activité. Un parc qui s’était déjà « fortement accru » entre 2000 et 2013 avec 80 000 m2 supplémentaires et qui devrait encore fortement augmenter avec l’ouverture en 2016 de l’incubateur de la Halle Freyssinet (13e arr.), censé être le « plus grand du monde » avec ses 30 000 m2 et ses 1 000 start-up.

Les pépinières d’entreprises présentent toutefois des profils différents, certains sont spécialisés dans un domaine, comme Silver Innov’ à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) sur l’allongement de la vie, d’autres sont généralistes. Certains sont centrés sur l’accompagnement des start-up et d’autres s’inscrivent dans un programme plus large. Le Tremplin, dédié à l’innovation sportive, viendra ainsi s’installer au second semestre 2016 au stade Jean Bouin (16e arr.) dans un « véritable hub de l’écosystème sportif à Paris et en Ile-de-France » en rassemblant, aux côtés des start-up incubées, « les acteurs institutionnels du sport ainsi que les grandes entreprises du secteur qui souhaitent s’associer au projet », affirme Paris région lab. La Chambre de commerce et d’industrie Paris-Ile-de-France prépare de son côté l’ouverture d’un cluster numérique de 3 600 m2 dans les mêmes locaux que la pépinière République (10e arr.), avec une ouverture programmée d’ici début 2017.

Attirer et développer sur les territoires

Pour les acteurs publics, cet engouement s’explique par la « volonté de dynamiser le tissu et de créer des emplois très qualifiés grâce à la venue d’entreprises à forte valeur ajoutée, explique un expert. Cela contribue au développement du territoire et c’est un belle vitrine. » Lors d’une présentation réalisée au Simi en décembre 2014, Catherine Ousset, responsable du développement économique de la communauté d’agglomération de Melun-Val de Seine (Seine-et-Marne), confirme cette tendance : « Nous souhaitons développer les pépinières d’entreprises pour que des start-up viennent et se développent sur notre territoire. » Plusieurs projets ont été lancés sur les communes de l’intercommunalité qui prévoit aussi d’autres initiatives de ce type comme l’ouverture d’un hôtel d’artisans à l’été 2015 à Vaux-le-Pénil. Si les projets sont nombreux, le modèle a aussi évolué ces dernières années avec l’ouverture d’accélérateurs proposant un accompagnement court pour faire aboutir des idées et des espaces de coworking. « Ces dispositifs prennent leur sens quand ils sont intégrés dans un espace plus large, estime Anne Gousset, directrice des incubateurs de Paris région lab, car ils peuvent créer des passerelles avec des entreprises. » Elle prévient toutefois que le modèle économique n’est pas toujours simple à trouver pour le coworking du fait des différents types de populations intéressées.

Le développement de l’offre provoque toutefois une concurrence entre les structures offrant la possibilité aux entrepreneurs de choisir des incubateurs spécialisés dans leur secteur ou des locaux plus généralistes qui permettent d’échanger plus largement. La présence d’acteurs privés a abouti à la création d’un véritable marché en la matière. Les prix, souvent plus faibles en banlieue, et les aides disponibles sont aussi des éléments de choix. Paris, avec son aide Paris innovation amorçage (d’un maximum de 30 000 euros), attirent les plus innovants, même si tous les incubateurs et pépinières de la commune ne permettent pas d’en bénéficier. Le nombre de mètres carrés ouverts ces dernières années dans la capitale a également rendu la tâche un peu plus complexe pour les structures de petite couronne.

Complémentarité

Dans un autre genre, la pépinière d’entreprises de La Courneuve (Seine-Saint-Denis) essaie d’éviter les dirigeants qui ne cherchent que le bénéfice de la présence en zone franche urbaine, d’un mécanisme d’exonération de charges. Ce dernier « attire des gens qui n’auraient pas mis les pieds dans le secteur autrement mais qui a des effets pervers car il distord la réalité », remarque Thomas Guyon son directeur. Si chacun affirme avoir un processus de sélection exigeant, il est parfois difficile de retenir les meilleurs. Dominique Restino, vice-président de la CCI 75 et en charge de la création et du développement de l’entreprise, relativise toutefois : « Je connais bien l’écosystème et je pense qu’entre Paris et la CCIP, il y a la même vocation de développement économique au sens de l’intérêt général. » La mairie et la chambre travaillent d’ailleurs ensemble en ce sens.

Plutôt qu’une concurrence, Anne Gousset évoque d’ailleurs une complémentarité.
« Il y a une offre diversifiée pour les start-up qui se développent à Paris, ce qui permet aux dirigeants d’arbitrer selon ce qu’ils recherchent », estime-t-elle. Toutes les bonnes choses ont toutefois une fin et les start-up doivent un jour ou l’autre se confronter à la réalité, même si elles ont pu bénéficier pendant de longues années de ces dispositifs. « Il est important pour des jeunes sociétés de disposer de solutions d’hébergement souples et évolutives en fonction de leurs besoins, mais elles doivent envisager une sortie dès qu’elles ont la possibilité de voler de leurs propres ailes », observe un spécialiste de l’accompagnement. Certains regrettent d’avoir quitté le monde des incubateurs et des pépinières car ils y étaient préservés de certaines contraintes basiques inévitables dans les bureaux classiques.

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